10 août 2019
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Blogue, Non classé
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asoucy
J’sais pas pour toi, mais moi, dans l’activité qu’est le camping, y’a deux trucs qui m’plaisent pas tant que ça. Le premier, c’est le manque d’intimité quand j’vais au p’tit coin, pis le deuxième, c’est l’expérience douteuse liée aux douches publiques. Perfectionniste comme je suis, l’idée de tourner les coins ronds, pis d’laver chaque pouce carré d’mon corps en un temps limité – en gougounes – ne m’emballe pas vraiment. Là, tu comprendras que je parle de VRAI camping, pas de simili-camping dans une roulotte qui coûte la peau des fesses. Nenon, j’parle de l’activité en question réduite à sa plus simple expression : tente, ti-matelas, sleeping. That’s it !
La majorité du temps, j’ai une forte tendance à prioriser l’option Hotel-Motel-Holiday-Inn pour que la poule de luxe que je suis puisse y trouver confort. MAIS, l’an dernier, en surfant sur le net – seule activité de surf que j’pouvais m’payer à ce moment-là – j’suis tombée sur un article au sujet du Parc régional du Poisson Blanc. Pour faire une histoire courte, c’est un lac où tu peux louer des îles pour y faire du camping. Pour t’y rendre, tu dois réserver une embarcation et ramer jusqu’à destination (pour ton info, ça se calcule généralement en heures). Le concept m’interpelait, pis la présence d’une bécosse privée sur chaque île, qui confirmait qu’aucun autre campeur viendrait y déposer ses dernières ingestions, m’a permis d’accepter l’absence de douche.
Le 12 juillet dernier, Ed – ma partner in crime depuis l’âge où on avait des champs d’fraises dans’ face – et moi, on est parties pour deux nuits de camping vers cette fameuse destination, située à 1h30 de Gatineau. Le matin même, j’suis fébrile. J’ai hâte ! J’ai évidemment prévu une douche matinale, question de réduire au max le laps de temps où je me sentirai comme une aînée prisonnière d’un CHSLD – sans pouvoir me laver. Peu reposée, mais full propre, j’rejoins Ed pour notre départ officiel. Il nous aura fallu 7h de voiture, puis 1h30 de canot pour finalement atteindre la berge du site 41 – celui qu’on avait préalablement réservé depuis des mois. Probablement que le lot excessif de bagages qu’on avait dans notre embarcation n’a pas été favorable à une navigation rapide (ça l’air que c’est d’ma faute), mais c’tait tellement paisible sur le lac qu’une fois sur l’eau, on a un peu perdu la notion du temps. Arrivées à bon port, on découvre notre habitat des prochains jours les yeux grands comme des enfants à Noël. De façon unanime, on conclut qu’on est tombées sur LE meilleur spot ; le jackSPOT !
En théorie, c’est l’heure du souper, mais comme le temps n’existe plus – pis aussi parce n’importe quelle excuse s’rait bonne pour un semblant de douche après avoir sué ma vie, pis saturé ma blanche peau de crème solaire – on s’permet d’aller s’baigner dans la baie derrière notre île. « On mène-tu une belle vie, hen ? » qu’on s’est répétées à plusieurs reprises. Une fois rafraîchies, on assemble la tente, pis on prépare notre souper. Le ventre plein, on veille au bord des flammes jusqu’à ce que nos paupières soient lourdes, pis on s’déplace dans’ tente pour y passer la nuit. Le site est si calme que j’dors mieux que la nuit précédant notre départ. Le lendemain, on se réveille sans cadran, sans stress, sans-tant l’fond d’tonne ! Il fait beau et chaud, nos cells sont comme moi – y pognent pas – pis l’endroit est féérique. Avec notre style vestimentaire loin d’être branché, on se sent complètement déconnectées de la réalité. Pêche, bronzage, lecture, baignade et power nap résument bien nos occupations de la journée.
Vers 16h30, après avoir passé une autre journée incroyable, le ciel se couvre et le bleu vire au gris. « On s’rait pas mieux d’installer la bâche ? » que j’demande à Ed. « Boff, si on l’accroche, c’est plus pour nos chaises parce que dans’ tente, y pleuvra pas. » Comme j’suis pas trop calée en camping, j’me fie à son bon jugement et j’opte plutôt pour déplacer nos chaises, pis le reste du matériel, dans’ tente. C’est sans grande surprise que, peu après, la pluie se met d’la partie. À l’abri, on observe le spectacle. Wow ! Le vent se lève, les arbres dansent à ma manière – n’importe comment – et la fine pluie se transforme en un sacré déluge ! On trouve ça ben drôle, ben drôle jusqu’à ce que BOOM, tonnerre et éclairs s’ajoutent aux forts vents et à la pluie qui ne cesse de s’intensifier. À présent, on ne voit plus à l’horizon. Les piquets d’la tente se décrochent et un de ses côtés nous frappe violemment. De l’intérieur, on s’agrippe à un arbre pour espérer rester en place.
Il pleut à boire debout, même à l’intérieur de la tente. Pendant que j’prie le p’tit Jésus pour que tout ça arrête, un BOOM – pas tout à fait l’même genre que tantôt – me murmure à l’oreille : « Après la pluie, l’beau temps, mais l’orage peut durer longtemps. » Misère, tourne pas l’fer dans’ plaie, steplait ! Après une quinzaine de minutes sous la douche – pas vraiment comme je l’aurais souhaité, disons – le déluge laisse place au soleil qui se pointe aussi rapidement qu’y’était parti. « Y’é don ben hypocrite, lui, à faire semblant qui s’est rien passé dans le dernier quart d’heure. » J’confirme que j’ai pas exagéré ; un arbre a même été déraciné sur l’île. On est mouillées à’ lavette, pis c’pas tout… notre équipement aussi. « Qu’est-ce qu’on fait ? On peut pas dormir ici… » que j’dis à Ed. « Il fait gros soleil, là, on va tordre nos sleepings, faire sécher nos matelas, pis étendre notre linge sur la corde. Il nous reste encore une couple d’heures d’ensoleillement. On va s’faire un feu, ça va accélérer le processus. T’inquiète, on va y arriver. » (Si tu nous connais pas personnellement, c’est ici que tu catchs laquelle n’a pas froid aux yeux et laquelle a sans cesse besoin d’être rassurée.)
J’étends nos trucs sur la corde pendant qu’Ed s’occupe du feu. Jésus Christ ! Les briquets étaient au fond de la tente qui, elle, était pleine d’eau. Les deux sont hors d’usage, rien pour nous aider à nous sortir de notre calvaire. Au loin, des gens naviguent en canot. Je leur crie pour qu’ils s’approchent de la berge. Yeah ! Ils ont ce qu’il nous faut ! Sans attendre le feu vert de la principale concernée, je troque les deux dernières p’tites frettes à Ed contre leur briquet. Non mais tsé, j’allais quand même pas gaspiller les miennes… Peu après, la situation se stabilise. J’commence tranquillement à voir le bout de cet affreux cauchemar. La tente, qui se fait griller depuis une bonne demi-heure, est pratiquement sèche. Notre feu, lui, prend de l’ampleur tranquillement pas vite. J’profite de ce temps mort pour aller vérifier si la bécosse, positionnée un peu à l’écart, a soif. À peine arrivée, j’sens des gouttelettes effleurer ma peau. Nenon, ça s’peut pas. Y peut pas y avoir une suite à cet épisode-là… Ben oui toé chose, ça repart, pis VRAIMENT intense à part de ça. Sans prendre le temps de vider ma vessie, je r’viens, vitesse grand V, pour tout mettre à l’abri.
À l’abri ? Quel abri ? Entre temps, la tente a eu des idées suicidaires pis elle s’est jetée à l’eau. Ed l’a sauvée de sa noyade, mais pas de sa baignade. Sans trier, on ramasse tout l’étendu d’la corde pis on met ça, mouillé ou pas, crotté ou pas, dans nos sacs qu’on tente désespérément de protéger avec la coque du canot. Misère !
Alors que la seule préoccupation d’Ed est de préserver le feu (ça lui a quand même coûté deux bières tout ça), moi, ça m’prend tout mon p’tit change pour réussir à me gérer. J’me réfugie donc sous le canot – position fœtus – en attendant que ça passe. Le seul bémol, c’est que ça passe PAS… Après une quinzaine, ma vessie veut exploser, pis j’sais pas combien de temps ça va durer cette histoire-là. J’sors donc de ma tanière pour affronter la tempête et me diriger de nouveau vers la bécosse. Ed, qui me connaît un peu trop bien, me lance « Là, tu t’en vas pas aux toilettes pour aller pleurer, hennn ? ». « NON. » que je lui réponds, un peu bête, sachant très bien que je ne pourrai retenir mes larmes encore bien longtemps.
À mon retour, les orages sont tout aussi violents. Ed, trempée jusqu’aux os, n’a toujours pas renoncé à sa foutue mission de vouloir sauver le feu. « Pourquoi tu viens pas t’abriter sous le canot ? » que j’lui demande. « Si on perd le feu, après, on pourra plus rien faire sécher. » La babine tremblotante, je cède : « J’ai peur qu’tu t’fasses électrocuter… j’veux pas rester toute seule ici. » – Étrangement, c’tait pas sa mort qui me préoccupait, mais plutôt de l’idée de devoir rester seule sur l’île. « Ben non, j’sais comment calculer la distance des éclairs, pis y’a aucun danger en c’moment, sont encore ben loin. » – N.B. : Elle PENSAIT qu’elle maîtrisait le calcul, mais, après vérification dans les jours qui ont suivi, elle était loin de la théorie, pis près des éclairs. Sans rien ajouter, j’retourne d’où je viens, position fœtus.
Cette fois, le chaos a persisté pendant – roulement de tambour – DEUX HEURES ! Quand la situation s’est finalement calmée, ça faisait déjà un bon moment que le Parkinson s’était emparé de mon corps (ceux et celles qui me connaissent savent à quel point mes 95 livres – mouillées, c’est l’cas de l’dire – ne tolèrent pas le froid). Il est maintenant 20h, le soleil se couchera dans 40 minutes. Deux choix s’offrent à nous : 1- Dormir à la belle étoile, sur nos chaises de camping, en essayant de s’faire sécher du linge avant qu’on manque de bois. 2- Pagayer 1h30 pour retourner à notre voiture en espérant que l’expression « jamais deux sans trois » soit en vacances en c’moment. Pas l’temps de niaiser, faut prendre une décision MAINTENANT. Sans réseau, y’a aucun moyen d’avoir accès aux prévisions météorologiques des prochaines heures, mais, malgré tout, on retient la deuxième option. On s’grouille à pacter l’canot, pis, d’un coup de rame décidé, on décampe de là vers 20h30.
Sur l’eau, je suis un peu plus positive. J’ai espoir qu’on va s’en tirer saines et sauves. J’regarde Ed pis j’y dis : « Hey, y’a l’air de faire frette, t’es tu ben dans ton coton ouaté ? » Mon sens de l’humour est revenu, signe que je reprends du mieux. « Haha ! LÀ j’te r’connais ! Chu ben, mais faudrait manger un peu, on n’a pas soupé avec tout ça… » qu’elle me répond. « C’est ben vrai ça, pitch-moi des craquelins, j’vais grignoter en chemin. » Dès le premier biscuit, l’cœur me lève. J’suis trop crevée, j’pense. Misère !
C’est plus l’temps d’reculer, j’trouve ça ben effrayant. J’enfile mon gilet de sauvetage par peur de m’évanouir. (Faudrait pas que j’rende l’âme icitte, Ed ne ferait pas long feu en l’absence de mes gros bras.) J’finis par réussir à engloutir une compote, pis ça me r’pep pour le reste du trajet. Dieu merci, Dame Nature a pris sa dose de Valium, pis est restée low profile pendant qu’on était sur l’eau. C’est finalement vers 22h, en chantant à tue-tête un des succès de Lisa Leblanc – j’te laisse deviner lequel – qu’on accoste, dans la noirceur. On vient tellement de vivre une mésaventure de fou que j’suis persuadée qu’en mettant les pieds au sol, Francis Bouillon sortira de nulle part pour nous annoncer qu’on sera candidates à la prochaine saison d’Expédition Extrême. Négatif… Quand même très décevant !
Pendant que notre niveau de stress baisse, nous, on monte le contenu du canot à l’auto. Pis, tant qu’à avoir les yeux grands ouverts par l’adrénaline qui nous drive depuis des heures, on prend la décision d’faire le trajet du retour, live, pour avoir le luxe de dormir dans notre lit. Même s’il nous a fallu deux heures de moins que la veille pour revenir à notre point de départ, la route nous a semblé interminable. Afin d’éviter de cogner des clous, on a rapidement dû remplacer BOOM par du BOOM BOOM. À 3h30 du matin, on met finalement les pieds dans nos résidences respectives et à 4h, après une douche bien méritée, on peut enfin dormir sur nos deux oreilles.
En tout cas, j’sais pas si c’est le karma qui s’est dit : « Ha ouinnn ? Ça fait pas son affaire d’pas pouvoir prendre sa douche ? Tcheck-moi ben aller, j’va y arranger ça… », mais disons que c’tait pas le genre de « soirée bien arrosée » que j’métais imaginée…
Ouin ben, après réflexion, j’pense que j’serais aussi ben d’switcher l’titre pour : À l’eau, le camping…